Hisfarenn (hie se faren(d)), aussi nommés Ladmann FaranIl faut plonger au tout début des âges, lorsque l’Humanité était encore jeune et balbutiante, pour retrouver la trace de ceux que l’on appelle les
Veilleurs. A cette époque trouble où l’être humain était encore une créature craintive, chétive, proie favorite de la toute-puissante obscurité, on dit que, parmi tous les êtres de légende qui peuplaient encore la nuit, une seule espèce prit les mortels en pitié et leur tendit la main. Des créatures d’une rare bienveillance, éperdument amoureuses de la race des Hommes au point de leur enseigner, à mesure que coulait le fleuve des siècles, tous les secrets qui leur permettraient de combattre la Nuit et ses enfants. Ils soufflèrent à leur oreille le nom des flammes, et leur apprirent à dompter le feu ; ils leur confièrent l’art des étoiles et celui de l’orientation ; ils guidèrent leurs pas sur les premières routes, et leur apprirent à tracer cartes et chemins. Ils furent nommés
eshu en Afrique, et leur nom en Sibérie était
xokte ; ailleurs, on les connut sous les traits d’Eleggua ; esprits des routes, gardiens des foyers, amis des voyageurs, ils eurent mille et mille autres noms, les Veilleurs. On les priait à la croisée des sentiers. On leur faisait des offrandes dans le confort des maisons. Le pèlerin s’en remettait à eux pour retrouver son chemin. Touchés par la gloire des Hommes, ils étaient connus et honorés par chaque mortel ; riches de tant de reconnaissance, eux aussi bâtirent des villes – des cités mythiques aux allées poudrées d’or, où les membres de leur peuple déambulaient avec grâce.
Mais le temps passa. Le monde, autrefois vierge et sauvage, fut bientôt tissé de toutes parts par la toile des Hommes. Il n’y avait plus de terres à explorer, plus de Grand Inconnu à craindre. Le flambeau éternel des grandes villes humaines repoussait durablement la nuit ; et, peu à peu, les mortels se détournèrent de leurs généreux alliés jusqu’à les oublier tout à fait. Nul ne guettait plus les lanternes anciennes allumées dans les ténèbres. Nul ne priait plus au carrefour des chemins. Nul ne se rappelait des vieilles comptines censées attirer sur soi le regard bienveillant des Esprits de la Route. Le souvenir des Veilleurs diminua. Jusqu’à disparaître tout à fait.
Il y eut bien, pourtant, de la part de ces créatures, quelques tentatives de réconciliation. Des mains tendues aux hommes, de nouvelles légendes nées de leur fait – feux-follets et autres « bonnes »
Dames Blanches ; mais l’être humain se refusait, dans sa grande fierté, à porter crédit à de telles histoires tant de sa force il était persuadé. Les Veilleurs, devant tant d’ingratitude, auraient pu éprouver de la haine ; mais ils n’en conçurent que de l’amertume, et finirent par se détourner de leurs anciennes protégés. On nomma cela la
Fracture.Comme tout être de légende lentement pris par l’oubli, la splendeur des Veilleurs déclina lentement. Quelques unes de leurs cités rayonnantes et mythiques tombèrent en ruines, ou se dissipèrent dans les mâchoires du Néant. Enfermés dans leurs merveilleuses villes, désoeuvrés, les anciens Gardiens des Routes se laissèrent gagner par la mélancolie.
Et ce fut au crépuscule de leur race que la Nuit décida de prendre sa revanche, sous les traits de la
Grande Chasse.
En vérité, la Grande Chasse, aussi vieille que le Temps lui-même – que la Peur elle-même – avait toujours existé, tapie dans les ténèbres, en tant que l’incarnation de tout ce que la nuit peut receler de chaotique, de cruel et de monstrueux. Elle était Désordre, là où les Veilleurs s’étaient voulus messagers de l’Ordre. Durant bien des siècles, la haine de la Nuit envers les alliés de l’être humain avait eu le temps de croître, de s’amplifier, de s’affirmer. Affamée, elle enlaça les cités rayonnantes où se terraient les Veilleurs, et attendit.
L’antique race se mourait. Condamnée à errer sans but dans les rues de ses propres villes, puisque l’Homme lui tournait désormais le dos et puisque la Nuit attendait patiemment à ses portes, il semblait qu’il n’y eût plus d’avenir pour les nobles Veilleurs. Nombre d’entre eux, languides, se laissèrent mourir, pris par le néant. Mais quelques uns, dans un sursaut de volonté, désespérés par le déclin de leur peuple, choisirent une autre option.
C’était là un choix aussi absurde qu’insensé, en réalité. Car ceux-là décidèrent de quitter leur enveloppe de purs esprits, d’êtres éternels, pour revêtir la chair des mortels et parcourir les routes qu’ils avaient eux-mêmes engendrées. Le but de ces quelques fous était double : tenter de rappeler aux humains leur existence, et trouver un ultime refuge, un abri contre la vengeance de la Nuit, pour leur peuple tout entier. On raconte que les premiers Veilleurs ainsi « incarnés » apparurent aux alentours du cinquième siècle de l’Humanité, durant les invasions saxonnes – sans doute est-ce là la raison pour laquelle le nom qu’ils se donnèrent, en tant qu’exilés, fut
Hisfarenn (contraction du vieux saxon
hies si faren(d), « ceux qui voyagent »). Ce phénomène fut appelé l’
Exode.
Bien entendu, ces exilés fragiles et affaiblis furent des proies de choix pour la Grande Chasse. De nombreux Veilleurs incarnés disparurent dans les rets des sombres veneurs, sans que nul ne pût jamais savoir ce qu’il advînt d’eux. Pourtant, ils sont de plus en plus à choisir la voie de l’Exode, malgré les dangers que cette décision implique ; l’espoir – même maigre – de retrouver un peu de splendeur et de découvrir l’Ultime Refuge vaut toujours mieux que d’attendre de mourir lentement dans les murs des cités-prisons.
Telle est l’histoire des Veilleurs. Telle est leur tragédie.
Physique
Un hisfarren se présente généralement sous les traits d’un être humain fin et élancé, aux muscles lestes et véloces de ceux qui sont habitués aux longs voyages et à l’art de la course. Portant sur leur visage la marque du triste destin qui frappe leur espèce, ils sont très souvent d’une poignante et douloureuse beauté. La teinte de leur peau varie de la même manière que celle des mortels, de même que leur pilosité ; en revanche, ce qui trahit le plus expressément leur nature inhumaine, ce sont leurs yeux. Intégralement noirs, percés uniquement d’une étincelle dorée chacun en guise de pupille ; c’est en réalité tout ce qui reste de la Lanterne, symbole éternel des Veilleurs.
S’ils ne vieillissent apparemment pas, en revanche – et bien que leur système immunitaire soit considérablement plus fort que celui d’un humain lambda – ils peuvent tomber malades ou subir des infections en cas de plaie. Aucune régénération « anormale » pour ces dernières.
Leurs habitudes vestimentaires varient d’un individu sur l’autre.
Haillons de vagabond ou habits raffinés, la constante en est que leurs vêtements auront toujours l’air de venir d’un autre temps – comme toute leur personne, depuis l’allure jusqu’aux expressions, décalées de plusieurs siècles.
Les hisfarren sont souvent munis d’un long bâton de bois, qui leur sert autant d’appui pour voyager que d’arme lorsque besoin est.
Mental
Ces Veilleurs exilés sont des êtres calmes et secrets. Si leur caractère n’est pas foncièrement maussade ou triste, il n’en demeure pas moins grave, digne, peu porté à l’emphase. Leurs gestes sont retenus, pondérés, comme il est d’usage chez des créatures vieilles de bien des siècles. Spontanément généreux, ils sont prêts à offrir leur aide à n’importe qui semble en avoir besoin, mais accordent rarement leur confiance et parlent peu d’eux-mêmes.
Beaucoup d’hisfarren vouent une espèce de culte au Destin. Pour eux, chaque rencontre, chaque incident est comme un jalon sur une longue route, quelque chose d’inéluctable et de prédéterminé. Cela n’en fait pas des créatures résignées ; ils sont nombreux à croire à l’existence de l’Ultime Refuge, quelque part, et feront tout pour le découvrir quitte à se sacrifier – afin d’assurer la survie de leur espèce.
Découlant de cela, il est à noter qu’un hisfarren possède une force de caractère impressionnante, et un esprit d’acier. Il est très difficile de « briser » psychologiquement l’une de ces créatures, car cela équivaudrait plus ou moins à leur mort – la Grande Chasse n’attendant que leur renoncement pour s’emparer d’eux.
Détails :
- la langue « première » des Exilés – dûe à leur première incarnation chez les mortels – est le vieux saxon. En revanche, ils s’adaptent très rapidement au dialecte de leur interlocuteur, même s’il demeurera dans leurs propos un petit accent familier, indéfinissable.
- les chants des hisfarren sont parmi les plus beaux qu’il soit possible de concevoir. Après tout, c’est toute l’histoire tragique de leur peuple qui s’exprime à travers leur voix...
Pouvoir :
Un hisfarren ne possède qu’un seul « pouvoir » réel, de catégorie défensive, nommé
Don de la Brèche.Cette capacité leur permet tout simplement, en tant que Gardiens des Routes, de se frayer un chemin à travers n’importe quoi – ou de fermer le même chemin en utilisant pour cela l’environnement direct.
Concrètement, cela signifie qu’un hisfarren sera capable d’ « ouvrir » un sentier à travers une jungle inextricable, ou bien de trouver un gué pour traverser un fleuve ; l’expression la plus impressionnante de ce pouvoir étant le fameux « passe-muraille » qui permet à l’hisfarren, non de traverser les murs comme s’il était immatériel, mais de les ré-agencer afin de se frayer un passage.
Les limites au Don de la Brèche sont celles imposées par l’environnement direct. Ainsi, un Exilé ne pourra pas faire jaillir un mur de brique hors du sable pour empêcher quelqu’un de le poursuivre ; il pourra en revanche susciter des sables mouvants. Il ne pourra pas non plus faire apparaître un pont au-dessus d’un lac, ou faire pousser des plantes enchevêtrées dans un salon cossu.
Les hisfarren n’étant pas des créatures hostiles, ils useront principalement de ce Don pour fuir ou se protéger/protéger quelqu’un d’autre. Rodés à l’art de survivre à la Chasse Sauvage, ils n’ont pas leur pareil pour semer un poursuivant. En revanche, une fois attrapés, le Don ne leur est plus d’une grande utilité...
Comprenez donc qu'en incarnant cette race, le pouvoir défensif sera celui décrit plus haut. Hormis quelques très rares exceptions, tout Hisfarren possède donc le Don de la Brèche en guise de Pouvoir Défensif.
Fiche intégralement imaginée et écrite par Cienne Handscielde.